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21 décembre 2013 6 21 /12 /décembre /2013 19:12

La Croix 20 décembre 2013

FRANCE

BERTRAND MATHIEU PROFESSEUR DE DROIT CONSTITUTIONNEL À L’UNIVERSITÉ PARIS

I-LA SORBONNE

Va-t-on vers une banalisation de l’avortement ?

RECUEILLI PAR MARINE LAMOUREUX

L’examen du projet de loi d’égalité entre les femmes et les hommes commence aujourd’hui à

l’Assemblée nationale. En commission, les députés ont supprimé la référence à la « situation de

détresse » de la femme qui justifiait jusqu’alors le recours à l’interruption volontaire de grossesse.

« Cet amendement – notons cependant qu’il n’est pas encore définitivement voté – représente un

changement profond de la philosophie de la loi de 1975. Celle-ci repose en effet sur l’équilibre

entre deux principes fondamentaux : le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie,

qui justifie la protection de l’embryon au nom du principe de dignité, et la liberté de la femme, à qui

on ne peut imposer une contrainte qu’elle s’estime incapable de supporter. Le garant de cet

équilibre est le délai durant lequel le recours à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est

autorisé : avant 12 semaines, la liberté de la future mère prime, après, la protection de l’embryon

l’emporte. Mais c’est aussi la notion de “détresse” de la femme, comme l’a rappelé le Conseil

constitutionnel en 2001, qui garantit que celle-ci ne dispose pas d’un droit inconditionnel sur la vie

de l’enfant à naître.

Certes, dans la pratique, le fait de supprimer cette notion ne va pas changer grand-chose, car on

ne demande pas aux femmes qui souhaitent interrompre leur grossesse de justifier concrètement

de leur situation de détresse. Mais sur le plan des principes, c’est un véritable bouleversement.

Car ce qui est en jeu, c’est la place que notre société accorde à la protection de la vie. Il n’y aurait

ainsi plus aucune condition mise au droit de recours à l’avortement au cours des douze premières

semaines, un délai durant lequel on dispose d’un nombre croissant d’informations sur le foetus au

travers du diagnostic prénatal. Autrement dit, la disparition de la notion de détresse revient à

légitimer la logique de l’avortement eugénique. Personne ne pourra, par exemple, reprocher à un

couple d’avoir eu recours à l’IVG parce que le sexe de son enfant, visible dès la première

échographie, ne lui convient pas.

En outre, reléguer au second plan le respect de la protection de la vie n’est pas sans conséquence

dans d’autres domaines. Si l’on devait s’acheminer vers une dépénalisation de l’euthanasie, la

logique risquerait d’être la même au bout de quelques années : passer d’une “exception”, justifiée

par des conditions très particulières de souffrance et d’incurabilité, à un droit à part entière. »

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