Le mariage homosexuel mérite et permet un référendum
Que l’on ne s’y trompe pas, l’emploi des termes « mariage homosexuel » n’est pas, ici, polémique. Il signifie seulement que le projet de loi vise à étendre la faculté de se marier aux personnes de même sexe et n’établit nullement un mariage pour tous. « Réforme de civilisation », selon la Garde des sceaux, incontestable rupture anthropologique, le mariage homosexuel mérite d’être institué, ou non, à la suite d’un véritable débat public, auquel ne peut se substituer une promesse électorale dont nul ne peut assurer qu’elle a été plébiscitée par l’élection présidentielle. Par ailleurs, pour une question aussi grave, le vote par une simple majorité parlementaire est certes juridiquement admissible, sous réserve de la constitutionnalité de la loi ainsi votée, il est politiquement plus discutable.
En effet, si à l’occasion d’une QPC, le Conseil constitutionnel a implicitement renvoyé cette question à la compétence du législateur, il a bien précisé que l’instauration du mariage entre personnes du même sexe ne répondait pas à une exigence tirée du principe d’égalité, rappelant qu’une différence de situation, tenant en l’occurrence au sexe, justifiait une différence de traitement.
Le Conseil n’a néanmoins pas invalidé, par principe et par anticipation, l’instauration d’un tel mariage. En revanche, il ne s’est pas prononcé sur les questions relatives à la filiation. Or, il est inéluctable que l’instauration d’un mariage homosexuel impliquera nécessairement une égalité de traitement entre les couples mariés, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels, au regard du droit de la filiation et de la famille. Si des dispositions relatives à la procréation médicalement assistée, voire aux mères porteuses, ne sont pas votées par le législateur français, elles seront mises en place par le juge national en application de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui justifie, de ce point de vue, des différences de traitement au regard justement de l’existence d’un mariage réservé à des personnes de sexe différent.
Alors que l’on pourrait se prononcer par référendum, par exemple, sur la suppression des membres de droit du Conseil constitutionnel, alors qu’en matière d’environnement se développent des conférences de consensus, alors que la démocratie participative, qui suppose un processus de discussion publique et l’émergence d’un consensus, est largement préconisée, il paraît manifestement disproportionné de ne consacrer à cette question du mariage, de la filiation et de la famille qu’un seul débat parlementaire.
La question est alors de savoir si, politiquement souhaitable, le recours au référendum est juridiquement possible. L’on écartera d’emblée le recours à un référendum d’initiative mixte, parlementaire et populaire, le législateur organique n’ayant pas mis en œuvre cette procédure voulue par le Constituant.
Reste alors le recours au référendum « classique » de l’article 11 de la Constitution. La décision est prise par le Président de la République sur proposition du Gouvernement ou, conjointe des deux assemblées. Cette décision relève du pouvoir discrétionnaire du Président. Le Constituant, à l’occasion de diverses réformes de cet article, n’a jamais entendu prévoir un contrôle du Conseil constitutionnel. Même si une jurisprudence, interprétée de manière extensive, a pu laisser entendre que le Conseil pourrait contrôler le décret formalisant la décision du Président de la République, il est peu probable que ce contrôle porte sur le fond de la décision, au surplus lorsqu’elle ne constitue pas une violation manifeste de la Constitution.
Qu’en serait-il en l’espèce ? La Constitution prévoit que le référendum peut porter, notamment, sur la politique sociale de la Nation. Or le mariage est une institution sociale. Plus encore, le Préambule de la Constitution de 1946, qui institue, les droits sociaux dans notre ordre constitutionnel, reconnaît la famille et sa protection dans le cadre de l’obligation qui pèse sur l’Etat de mener une politique sociale en sa faveur, de même qu’en faveur de la mère, dont le rôle est ainsi constitutionnalisé.
Partisans et adversaires du mariage homosexuel ont tout à gagner à l’organisation d’un débat et d’un mode de décision qui associe tous les français. L’enjeu l’exige et la Constitution le permet.