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2 février 2016 2 02 /02 /février /2016 09:32

Machine à décider

Titanic juridique en vue ? Le Conseil constitutionnel confronté à l'explosion des saisines (mais pas de ses moyens...)

Avec Bertrand Mathieu

02/02/2016 - 07:01

Confronté à une explosion des saisines depuis plusieurs années, le Conseil constitutionnel est aujourd'hui face à un tournant. Si elle n'a plus forcément les moyens d'assurer sereinement ses missions, cette institution pourrait bien avoir à se réformer pour s'adapter aux évolutions de la société.

Atlantico : Institution créée en 1958, le Conseil constitutionnel a-t-il toujours les moyens de remplir ses missions aujourd'hui ? Depuis le 1er mars 2010, 465 questions prioritaires de constitutionnalité lui ont été adressées, lui qui ne compte que 9 membres. L'instance a fréquemment recours à des conseils extérieurs pour rendre ses décisions. Quelles conséquences cela peut-il avoir selon vous, notamment en termes d'influence politique ?

Bertrand Mathieu : En 1958, le Conseil constitutionnel a essentiellement vocation à être le "chien de garde du gouvernement". Plus précisément, il a pour mission de protéger le domaine règlementaire réservé au gouvernement des empiètements du législateur. Trois étapes vont marquer la transformation de l’institution. La première date de 1971, elle résulte d’une volonté "d’émancipation" de l’institution. A l’encontre de la volonté des rédacteurs de la Constitution de 1958 et alors que son fondateur le Général de Gaulle a disparu, le Conseil décide de contrôler le respect par la loi des droits fondamentaux auxquels le Préambule de la Constitution fait référence par renvoi à la Déclaration des droits de l’homme de 1789, qui énumère les grandes libertés individuelles et au Préambule de la Constitution de 1946, qui contient essentiellement des droits sociaux. Le Conseil se dote des moyens d’assurer un réel contrôle de la constitutionnalité des lois, mais il lui manque le levier qui lui permettra d’exercer ce contrôle. C’est chose faite à la suite de la révision constitutionnelle de 1974 initiée par le Président Giscard d’Estaing qui étend à l’opposition politique (soixante députés ou soixante sénateurs), la faculté de saisir le Conseil constitutionnel d’une loi entre son vote par le Parlement et sa promulgation par le président de la République. Ainsi, toutes les lois importantes font en principe l’objet d’un examen par le Conseil constitutionnel avant d’entrer en vigueur. La troisième étape est franchie à la suite de la révision de 2008 décidée par le Président Sarkozy qui permet à tout justiciable de soulever devant n’importe quel juge à l’occasion de tout litige dans lequel il est partie, l’inconstitutionnalité de la loi qui lui est appliquée.

Après un filtrage de cette question, dite prioritaire de constitutionnalité (QPC), par les juridictions judiciaires et administratives, le Conseil est appelé à se prononcer sur la constitutionnalité de la loi. C’est ainsi qu’il a été appelé à se prononcer récemment sur l’état d’urgence, sur le statut des véhicules de tourisme avec chauffeurs, sur la loi Gayssot (incriminant le négationnisme) pour ne citer que quelques exemples. Ainsi, les justiciables, leurs conseils, les juges, sont conduits à se référer à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. On mesurera le chemin parcouru en relevant que le Conseil a rendu sa 500ème décision sur saisine politique, a priori, près de 30 ans après la réforme de 1974 et la 500ème décision QPC, près de cinq ans après la mise en œuvre de cette nouvelle procédure. De la confortable "maison de retraite" parfois dénoncée au début de la cinquième République, le Conseil constitutionnel est devenu une juridiction particulièrement active qui, en surplomb du Parlement, peut être amenée à contrôler l’ensemble de la législation française. Par ailleurs, la QPC a conduit à déplacer le débat social et économique du Parlement au juge constitutionnel. Plus exactement, le "lobbying" qui s’exerce traditionnellement auprès des parlementaires se poursuit auprès du Conseil constitutionnel. Cette situation n’est pas, en elle-même, condamnable. En effet, elle permet au juge constitutionnel d’être éclairé sur les enjeux sociaux et économiques de certaines de ses décisions. Le caractère contradictoire de la procédure existe à partir du moment ou le Conseil décide de retenir l’un des arguments invoqués dans ce cadre. Mais probablement faudrait-il réfléchir à la mise en place d’une procédure plus contradictoire. La possibilité pour toute personne, physique ou morale, intéressée d’intervenir dans une procédure de QPC constitue de ce point de vue une avancée.

La charge s’est donc considérablement alourdie et le Conseil constitutionnel est une toute petite structure comparée à ses homologues étrangers ou au Conseil d’Etat ou à la Cour de cassation : neuf membres dépourvus d’assistants et un service juridique de quelques membres sous l’autorité d’un Secrétaire général qui joue un rôle particulièrement important. L’avantage réside dans la sécurité juridique que représente la continuité et la cohérence de la jurisprudence, l’inconvénient, c’est la centralisation de la décision et, sûrement, l’inégale compétence juridique des membres du Conseil.

De même, quels problèmes pose le processus de nomination de ses membres ? Comment ce processus a-t-il évolué, notamment au regard des personnalités choisies pour y siéger ?

S’agissant de la nomination des membres, deux questions sont régulièrement soulevées : la présence, à vie, des anciens présidents de la République et la procédure de nomination des autres membres. S’agissant des anciens présidents de la République, il existe un certain consensus pour estimer qu’au regard de ce qu’est devenu le Conseil, ils n’y ont plus réellement leur place. Ce n’est pas actuellement un vrai problème, ce pourrait le devenir dans l’hypothèse de l’élection de présidents de la République de plus en plus jeunes, pour un mandat de plus en plus court et bénéficiant de l’allongement de la durée de la vie…

Les autres membres sont nommés pour trois d’entre eux par le Président de la République, pour trois d’entre eux par le Président de l’Assemblée nationale et pour trois d’entre eux par le Président du Sénat, les commissions parlementaires pouvant s’opposer, par une majorité qualifiée, à leur nomination. Ils sont renouvelés par tiers tous les trois ans. Ce mode de nomination peut donner l’impression d’une politisation de l’institution. Faut-il en changer ? Je n’en suis pas convaincu. L’autre système, c’est une nomination directe ou indirecte par le Parlement. Elle est tout aussi politique et peut conduire, soit à des blocages, comme en Espagne où les partis ne se sont pas mis d’accord pour certaines nominations, soit à des tractations qui n’assureront pas nécessairement le choix des meilleurs. En réalité, la véritable question est celle du choix des personnalités. Etre juge de la loi, ce n’est pas juger d’un contrat de location de voiture ou d’un arrêté municipal, c’est juger un acte résultant du vote des représentants de la Nation. En ce sens, un équilibre entre des juristes et des personnalités ayant eu une expérience politique importante mais retirés de la vie politique réalise un bon compromis.

Dans de nombreux pays, les professeurs de droit et les juges professionnels forment l’essentiel des juridictions constitutionnels. On pourrait par exemple prévoir la présence d’un professeur de droit, d’un juge judiciaire, d’un juge administratif, les uns et les autres dotés d’une expérience professionnelle remarquable, d’un haut fonctionnaire parlementaire ou relevant d’une administration centrale, d’anciens parlementaires ou ministres de premier plan (retirés depuis un certain temps de la vie politique). La liste n’est pas limitative et elle ne doit pas nécessairement être aussi précise. Il conviendrait également de réfléchir à une augmentation du nombre des membres du Conseil, de 9 à 12 par exemple. Mais il faut éviter que le Conseil constitutionnel devienne un organe politique coiffant le Parlement, il doit rester strictement dans son rôle de gardien de la Constitution. L’équilibre actuel est probablement satisfaisant, mais la question est de savoir si le Conseil constitutionnel saura résister à la tentation de devenir, comme l’est parfois la Cour européenne des droits de l’homme, un organe créateur des normes dont il assure le respect et censeur du législateur au regard de la propre vision qu’il se fait de l’évolution de la société, voir de l’équilibre souhaitable entre le social et l’économique. La réserve, le "self restreint" d’un juge chargé de juger les décisions des élus du peuple est aussi l’une des conditions de sa légitimité.

En termes de nominations, de missions confiées et de moyens mis à sa disposition, peut-on comparer le Conseil constitutionnel à la Cour Suprême américaine ? Dans quelle mesure ?

Le terme de Cour suprême est souvent évoqué en France dans un contexte de concurrence institutionnelle entre trois juridictions qui se réclament parfois de ce concept : la Cour de cassation, le Conseil d’Etat et le Conseil constitutionnel. En réalité, en France, contrairement aux Etats-Unis, il ne peut y avoir de Cour suprême tant qu’il existe trois ordres de juridiction non hiérarchisés. Cependant, le modèle américain est une référence pour des juridictions qui voudraient assurer l’essentiel du contrôle du respect des droits fondamentaux. C’est ainsi que la Cour de cassation réfléchit à un système, qui existe aux Etats-Unis, de filtrage des affaires dont elle a à connaître et tente de développer un contrôle de proportionnalité entre les différents droits et libertés en cause, à l’instar de ce que fait la Cour européenne des droits de l’homme. En témoignent les arrêts rendus sur des affaires concernant l’état civil d’enfants nés de gestation pour autrui menées à l’étranger.

De leur côté, certains membres éminents du Conseil constitutionnel voudraient étendre leur contrôle de la loi au respect des droits européens. Ainsi, aux Etats-Unis, la Cour suprême est la garante du respect de l’ensemble du droit fédéral. Une autre différence fondamentale entre le système américain et le système français tient au fait qu’aux Etats-Unis la justice est réellement un pouvoir qui s’incarne dans la Cour suprême et qu’en France le pouvoir politique habitué à un juge subordonné supporte mal la prétention de la justice, dont la légitimité démocratique est moins évidente de s’affirmer face à lui comme un pouvoir et à empiéter sur ses compétences (cf. B. Mathieu, Justice et politique : la déchirure ? Lextenso, 20015). Aux Etats-Unis, les membres de la Cour suprême sont nommés à vie par le Président mais doivent être confirmés par le Sénat. C’est-à-dire que leur nomination nécessite l’accord des deux autres pouvoirs. Par ailleurs, les juges bénéficient de conditions de travail, d’assistants, d’une situation qui n’a rien à voir avec celle de leurs homologues français. Enfin, la personnalisation des juges est beaucoup plus grande qu’en France car aux Etats-Unis chaque juge peut faire valoir à la suite d’une décision rendue par la Cour sa propre opinion. Il n’est pas évident que la transposition en France de cette faculté, dite des "opinions dissidentes" parfaitement étrangère à la tradition juridictionnelle française ne renforce l’autorité du Conseil constitutionnel.

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29 décembre 2015 2 29 /12 /décembre /2015 15:02

http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2015/12/29/31001-20151229ARTFIG00107-etat-d-urgence-une-revision-constitutionnelle-pour-quoi-faire.php

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29 décembre 2015 2 29 /12 /décembre /2015 14:01

http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2015/12/29/31001-20151229ARTFIG00107-etat-d-urgence-une-revision-constitutionnelle-pour-quoi-faire.php

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21 décembre 2015 1 21 /12 /décembre /2015 11:13

Rendons la parole au peuple pour sauver la démocratie

Le Monde.fr | 17.12.2015 à 12h07 • Mis à jour le 17.12.2015 à 12h06

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Par Bertrand Mathieu

La situation politique française, comme celle d’un certain nombre de pays européens, traduit une crise de la démocratie représentative. Les votes pour des partis se situant aux extrêmes de l’échiquier politique, s’ajoutant aux abstentionnistes, sont majoritaires. Les raisons en sont multiples, elles tiennent notamment à la déconnexion entre le choix électoral et les décisions prises qui résultent en fait de contraintes externes, économiques, financières…

Par ailleurs, la démocratie, qui fonctionne dans un cadre national, est concurrencée par des systèmes supranationaux. Or les unes et les autres de ces contraintes n’obéissent pas à une logique démocratique. Les décisions juridictionnelles, nationales ou supranationales, concurrencent le pouvoir politique. Face à cette crise, le recours à la démocratie participative développe les communautarismes et ne permet pas de légitimer les décisions au niveau national. Le jeu, devenu triangulaire, des forces politiques accule les formations politiques traditionnelles à un déni de réalité. L’affrontement entre ceux qui maintiennent la fiction d’une démocratie vivante et ceux qui laissent croire que l’on pourrait, par une simple volonté politique, échapper aux contraintes externes est stérile. Il menace nos systèmes démocratiques qui sont plus fragiles que l’on peut le penser.

Revivifier la démocratie c’est revenir à son sens premier, rendre la parole au peuple. Au-delà de la formule, il existe dans la Constitution un instrument pertinent : le référendum. Craint, du fait que le peuple ne répond pas toujours à la question posée, galvaudé par une utilisation opportuniste, le référendum reste un outil majeur de la démocratie. On dénonce le risque de dérive plébiscitaire, pourtant quoi de plus démocratique pour un responsable politique que d’engager, en cours de mandat, sa responsabilité devant le peuple qui l’a élu. On invoque le risque de dérive populiste, mais priver le peuple de la faculté de s’exprimer ne peut que favoriser les partis populistes.

Plusieurs pistes à explorer

Il est vrai que dans notre système juridique le principe démocratique est tempéré par un principe libéral de séparation des pouvoirs et de garantie des droits. La question se pose alors de trouver un mécanisme qui permette de redonner la parole au Peuple tout en évitant que ne soit remise en cause cette démocratie tempérée qui est le modèle de nos sociétés occidentales.

Plusieurs pistes peuvent être explorées. D’abord redonner la parole au peuple sur des questions importantes, parmi lesquelles ces « questions de société », dont justement le Conseil constitutionnel estime qu’elles sont tellement politiques qu’il n’en contrôle pas la constitutionnalité. Mais aussi éviter que par la voie référendaire ne soient opérées des violations de droits et libertés, fondamentaux au sens strict du terme
Une méthode simple s’impose : soumettre les projets (ou les propositions) de loi référendaire au Conseil constitutionnel préalablement à leur vote par le peuple, le juge constitutionnel pouvant apprécier, tant la clarté du texte, voire de la question, que sa conformité aux dispositions substantielles de la Constitution.

Il ne faut pas se cacher que cette procédure interdirait au président de la République de réviser la Constitution en en appelant directement au peuple sans vote préalable des Assemblées parlementaires. Concernant l’Assemblée nationale, le président pourrait toujours prononcer une dissolution suivie d’élections dont l’un des enjeux serait la révision constitutionnelle. Cette possibilité n’existe pas pour le Sénat, ainsi le Sénat pourrait s’opposer à lui seul à une révision constitutionnelle, ce qui présente l’avantage d’éviter toute révision ne faisant pas l’objet d’un consensus minimum, mais donne au Sénat un pouvoir considérable et empêcherait incidemment toute révision conduisant à modifier le rôle du Sénat. Reste à savoir si cet inconvénient est dirimant au regard de l’intérêt politique que représenterait une telle novation.

Il n’en reste pas moins qu’interroger directement le peuple par la voie référendaire ne peut être une procédure banale, la Suisse reste de ce point de vue une exception justifiée tant par ses traditions que par sa dimension. Plus généralement, le référendum d’initiative populaire doit être entouré de garanties et de conditions qui en rendent l’usage peu commode. La première condition à laquelle doit répondre le référendum, c’est la clarté de la question posée, la seconde tient au fait que la volonté exprimée par le peuple devra être respectée.

Le récent référendum grec sur le plan d’austérité traduit de ce point de vue l’impuissance démocratique, plus qu’il n’en constitue l’expression. Enfin, le principal obstacle au recours au référendum, c’est la crainte de l’auteur de la question, le président de la République, d’être désavoué, par une expression populaire qui traduira plus un jugement sur sa politique qu’une réponse à la question posée. De ce point de vue, plusieurs pistes de réflexion doivent être suivies. D’abord, le référendum permettrait à un président nouvellement élu de s’engager sur quelques points forts de son programme et d’instaurer ainsi un climat de confiance qui constitue un soutien autant qu’une obligation. Si en cours de mandat, et a fortiori, en fin de mandat, le recours au référendum est plus risqué, sauf à constituer une manœuvre opportuniste, il peut répondre à la demande de responsabilité que traduit son appropriation plébiscitaire par le peuple. Encore faudrait-il que le courage politique et le sens de l’intérêt général surmontent les intérêts personnels et les combinaisons. Mais de ce point de vue la Constitution ne peut rien, c’est la qualité des responsables politiques qui fait tout.

S’agissant de la révision de la Constitution, il conviendrait également d’associer le peuple à toutes les révisions importantes.

On ne trouvera là qu’une réflexion à peine ébauchée qui mériterait débat. Elle n’en répond pas moins à la nécessité de rendre la parole au peuple, ce qui dans un système qui se veut démocratique n’est pas si archaïque que veulent bien le penser ceux qui sont, de fait, attachés à un système oligarchique et qui exercent, à ce titre, le pouvoir intellectuel ou politique. Faute de quoi, le peuple risque de reprendre une parcelle du pouvoir qui lui est dénié dans des conditions qui peuvent conduire à tous les débordements.

Bertrand Mathieu est professeur à l’Ecole de droit de la Sorbonne - Université Paris I. Il est ancien membre du Conseil supérieur de la magistrature

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28 octobre 2015 3 28 /10 /octobre /2015 09:25
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30 juin 2015 2 30 /06 /juin /2015 14:41

Justice et politique : la déchirure ?

  • Bertrand Mathieu
  • Editeur : L.G.D.J
  • Collection : Forum
  • ISBN : 978-2-275-04740-9
  • 192 pages - Parution : 07/2015

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Résumé

Les rapports entre les responsables politiques et les juges sont marqués par des tensions dont les médias rendent compte presque quotidiennement. Le droit positif ne traduit pas ce qu'est devenue la justice aujourd'hui : un véritable pouvoir concurrent du pouvoir politique. Conquérant, le pouvoir judiciaire voit sa légitimité contestée. Affaibli, le pouvoir politique voit ses prérogatives menacées.
Cet ouvrage a pour objet d'analyser les causes et les manifestations de la montée en puissance du juge, tant au niveau national que supra national, de proposer les réformes institutionnelles susceptibles de traduire à la fois la reconnaissance de ce pouvoir, garant des libertés, et le respect des prérogatives politiques dans lesquelles s'incarne le principe démocratique et la détermination de l'intérêt général. Cette réflexion est articulée autour de deux idées directrices. D'une part, l'indépendance des magistrats ne doit pas conduire à l'autonomie de la justice. D'autre part, la légitimité du juge ne réside que dans sa fonction de tiers impartial.
Le débat doit être ouvert, il concerne tant la place du juge dans la société que l'avenir de la démocratie. Il intéresse les juristes, mais aussi l'ensemble des citoyens.

Bertrand MATHIEU, Professeur à l'École de droit de la Sorbonne-Université Paris I, a été membre du Conseil supérieur de la magistrature de janvier 2011 à janvier 2015. Il est vice-président de l'Association internationale de droit constitutionnel. Il a été membre de diverses commissions chargées de préparer des révisions constitutionnelles. Il dirige la revue Constitutions.

Caractéristiques

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7 avril 2015 2 07 /04 /avril /2015 21:47

débats
Bruckner : « En France, dès qu’il s’agit de chrétiens, s’installe une rumeur de mépris »
VINCENT TREMOLET DE VILLERS

PROPOS RECUEILLIS PAR
LE FIGARO - Vous avez passé le week-end de Pâques à Erbil au milieu des réfugiés…
Pascal BRUCKNER - Je faisais partie d’une petite délégation, avec notamment Sylvain Tesson, venue au Kurdistan pour inaugurer une radio intercommunau- taire, al-Salam, qui veut dire la paix. Fondée par la Guide du Raid et Radio sans frontières, financée principalement par l’Œuvre d’Orient, elle se veut la voix des sans-voix. Majoritairement chrétienne, cette radio diffuse à l’endroit de tous les réfugiés, yazidis, sunnites, chiites, syriaques, Assyriens, etc.
À quoi ressemble Erbil aujourd’hui ?
C’est une ville en pleine expansion, à trente kilomètres de la ligne de front. On y trouve des dizaines de milliers de réfugiés répartis dans divers camps : chrétiens, Kurdes, Arabes sunnites et chiites. La lassitude des premiers est palpable : la prise du pouvoir par Daech, la fuite des soldats irakiens à l’été dernier déchirant leur uniforme, jetant leurs armes les a sidérés. Ils vous racontent tous comment leurs propres voisins et amis se sont emparés de leurs biens, occupés leurs appartements dès Daech installé. Celui-ci a fait inscrire sur leurs maisons la lettre N signifiant nazaréen. Leur départ brise un équilibre intercommunautaire pluriséculaire. Quant aux yazidis, n’étant pas de la religion du Livre, ils sont considérés comme des sous-hommes. Pour eux, c’est l’extermination et la mise en esclavage des femmes. Nous avons rencontré une famille chrétienne dont la petite fille de 3 ans et demi a été kidnappée par un émir et probablement revendue pour être mariée.
Un retour est-il possible ?
Difficilement. Il faudrait que Mossoul tombe très vite, ce qui est incertain. Deux scénarios se dessinent : celui d’une bataille longue et sanglante comme à Stalingrad ou celui d’une cinquième colonne à l’intérieur qui permettrait de reproduire ce que fut la libération de Paris. Il faut souligner ici le rôle exceptionnel du Kurdistan, nation en plein éveil : pluraliste, animé d’une combativité exceptionnelle, il incarne à lui seul la résistance à la barbarie. À Erbil, le patriotisme, la volonté de construire un État indépendant après des siècles d’errance et de massacres du peuple kurde l’emporte sur la foi et les querelles théologiques.
Pour les chrétiens, il n’y a pas de solution ?
Ils sont pris entre deux tragédies : partir, c’est mettre fin à des siècles de coexistence, les chrétiens formant le tissu conjonctif entre communautés. Revenir, c’est courir le risque de nouvelles persécutions. Rappelons qu’ils sont là depuis deux mille ans, que leur présence précède de six siècles celle de l’islam et qu’ils n’ont pas été convertis par les croisés. Leur disparition entraînerait avec elle un pan de l’histoire du monde et mettrait en péril le monde islamique lui-même. C’est pourquoi une partie de la jeunesse chrétienne choisit de prendre les armes et de s’engager
aux côtés des pechmergas.
Qu’avez-vous dit à ces réfugiés ?
Lors de la messe de Pâques, Mgr Gollnisch qui préside l’Œuvre d’Orient a demandé à ces personnes humiliées, bafouées, de ne pas cultiver la haine dans leur cœur et de pardonner à leurs ennemis. Je ne suis pas croyant mais, en entendant ces mots, je me suis souvenu d’avoir été baptisé. Pardonner à ses ennemis avant même qu’ils ne soient vaincus, n’est-ce pas le summum de la noblesse ?
Que vous inspire l’histoire de la RATP ?
Nous assistons les yeux grands ouverts à la « houellebecquisation » de la France. La RATP se soumet à l’autocensure préventive et insulte les victimes. D’autres comme Edwy Plenel et ses amis sont des houellebecquiens plus virulents et voudraient nous voir courber l’échine tout de suite. En France, dès qu’il s’agit de chrétiens, s’installe une rumeur de mépris. Avant mon départ pour Erbil, certains de mes amis ont ricané, me demandant s’il ne s’agissait pas là d’une cause de droite !
Le sanglot de l’homme blanc continue ?
Le christianisme est assimilé à tort à l’Occident dominateur, impérialiste, l’islam à l’insurrection des opprimés. Le premier est donc complice du mal absolu, le second éternellement innocent. Les chrétiens ne sont pas des bonnes victimes, ils n’ont pas la cote. Lorsque la guerre a éclaté à Gaza à l’été 2014, il y a eu de nombreuses manifestations en faveur des Palestiniens et c’est légitime. Mais personne n’a défilé pour les chrétiens d’Orient. Au kilomètre sentimental, cela veut dire que la vie d’un chrétien d’Orient, arabe lui aussi, vaut mille fois moins que celle d’un Palestinien. Cette hémiplégie du regard est stupéfiante.
Apparemment, le service de communication de l’Élysée a du mal à employer le mot « chrétien »…
L’Administration Obama avait fait de même à propos de la tuerie dans l’hypermarché Kasher. Cette pudeur linguistique tue les victimes une seconde fois. Bien nommer les choses, c’est les éclairer et dévoiler un projet précis : l’élimination progressive de toute présence chrétienne en terre d’islam qui est à l’œuvre sous nos yeux, au Kenya, en Irak et en Syrie. L’enjeu sémantique est fondamental : on nous intime de ne pas céder à « l’islamophobie » mais alors que de la Mauritanie au Pakistan, les chrétiens sont persécutés, condamnés, tués, le mot même de christianophobie n’a pas cours dans la langue. Formidable subterfuge : les victimes sont désignées comme des bourreaux et inversement.
Peut-on parler de génocide ?
Regardez l’histoire sur les 60 dernières années : les Juifs ont été chassés du monde arabo-musulman après la création de l’État d’Israël. Aujourd’hui, c’est au tour des chrétiens d’être lentement poussés dehors. Mouvement tectonique impressionnant. Ils étaient 1 200 000 en Irak, ils ne sont plus que 300 000, 1 300 000 en Syrie, ils ne sont plus que 700 000. Imaginons que demain tous les Juifs de France, effrayés par les attentats, partent en Israël. L’heure des chrétiens aura-t-elle sonné à son tour ? Probablement. Ce qui commence avec les Juifs se poursuit en général pour tous les autres : catholiques, protestants, intellectuels, athées, mécréants, musulmans libéraux. C’est un implacable mouvement d’horlogerie. Tout se passe comme si l’islam radical voulait effacer toute trace des deux monothéismes qui l’ont précédé et leur faisait payer leur antériorité. Il ne se pense pas comme une religion parmi d’autres mais comme celle qui les résume toutes et les rend donc inutiles. Pour cela, tous les moyens sont bons : l’intimidation, le meurtre, la censure… et en France les idiots utiles de l’extrême gauche.
Sommes-nous trop pusillanimes ?
Nous ne voulons pas admettre que nous sommes en guerre. Nous pourrions au moins exiger la règle de la réciprocité et que le crime d’apostasie soit supprimé en terre d’islam : il y a des mosquées à Rome, y a-t-il des églises à La Mecque, à Riyad, à Doha ? Un film comme L’Apôtre, récit de la conversion d’un jeune musulman au christianisme, n’a pas trouvé de diffuseur. En revanche, Qu’Allah bénisse la France qui retrace le parcours inverse n’a pas eu les mêmes difficultés. Que des Français choisissent de se convertir à l’islam, libre à eux. Mais à charge de revanche. Nous collaborons à notre propre défaite. Houellebecq, vous dis-je.

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8 janvier 2015 4 08 /01 /janvier /2015 22:29

Bertrand Mathieu shared Joël Andriantsimbazovina's post.

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14 juillet 2014 1 14 /07 /juillet /2014 06:31
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11 juin 2014 3 11 /06 /juin /2014 21:21
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